Il est 5 h 10, je suis habillée, la poussette est remplie,
en stand-by en bas des escaliers, le ciel est clair et étoilé, l’air est frais
et un peu piquant, mon souffle fait de la buée. J’ai fait tout ce qui
concernait ma personne : mangé, bu mon café, brossé mes dents… c’est
maintenant l’heure de m’occuper de mon fils.
« Philip! Est-ce que tu viens faire la course avec moi? »
Sching! Les yeux de mon fils s’ouvrent et il est debout dans
le temps de le dire. Je l’habille pendant qu’il somnole sur le sofa. Deux
paires de pantalons, dont une épaisse, un chandail à manches longues, une veste
en coton ouaté, une veste en laine, un coupe vent doublé en polar, deux
cache-cou, des mitaines d’hiver, une tuque… sans oublier la couverture pour le
couvrir, car il ne bougera pas, lui. Il fait 3 degrés, mais avec le facteur « bord
de mer », il faut retrancher encore quelques degrés.
Mon amie Véronique m’a préparé quelques surprises. Nous en
déballons une : des colliers phosphorescents bleus! On se fait chacun deux
bracelets! On s’en va dire au revoir à Patrick, qui dort, on lui fait la danse
des bracelets dans le noir, et hop, on attrape le ballon bleu gonflé à l’hélium
qui ira sur la poussette.
Philip s’installe, je le recouvre de sa couverture, et c’est
un départ. Nous nous dirigeons vers la ligne de départ, mais avant, je dois
arrêter au garage gonfler les pneus de la poussette. Les corbeaux hurlent leur
vie dans le petit matin. Il y en a des dizaines! On arrive au garage, je gonfle
une roue, puis deux, puis pfffffffffffff…. la troisième rend l’âme dans un
pffffffffff arrogant…
Ben oui. Évidemment. On pouvait pas juste partir
« normalement ». C’était écrit dans le ciel, voyons! Merde! Qu’est-ce
que je fais?!?
Je fais quelques tests avec la poussette. Tant que le pneu
débarque pas de la roue, ça roule. On part pareil.
FFFFFOUINNNNN!!!
Bon, ce petit contretemps nous a fait manquer le départ non
officiel de 6 h. On se pointe à la ligne de départ, et hop! Trente secondes
plus tard, nous sommes partis. Ce don que j’ai d’arriver à la dernière seconde
à la ligne de départ! En tout cas, l’important, c’est de partir, hein?
Le boulevard René-Lepage est fermé, la ville dort encore… nous
avons tout cet espace à nous tous seuls, la lueur du jour se pointe le bout du
nez…
« Maman, j’ai f… »
« Quoi, t’as faim? »
« NON! J’ai froid! »
« Quoi?!? T’as froid??? Mais t’as froid où, mon amour? »
« Aux pieds… »
Merde! Ben oui, c’est sûr qu’il a froid aux pieds, avec ses
petits running shoes qui laissent passer l’air! Merde! Qu’est-ce que je fais?!?
Je fouille dans le panier de la poussette. J’y trouve un sac
de plastique.
« Regarde Philip, on va mettre tes pieds dans le sac de
plastique pour couper le vent, puis on va mettre la couverture comme il faut
par-dessus, ok? mais faut pas que tu bouges. »
Je réchauffe ses pieds avec mes mains avant. Il me dit que
ça le réchauffe et que ça fait du bien. Je mets le sac, pas trop serré, la
couverture… et je prends le temps de photographier le lever du soleil avant de
repartir… ça fait 30 minutes qu’on est partis, je le vois en regardant l’heure
sur mon téléphone, car j’ai volontairement laissé ma montre à la maison. Je ne
veux pas savoir à quelle allure je vais, je veux simplement survivre à 42,2 km
avec mon fils en poussette.
Maman... j'ai froid... |
Nous poursuivons la route. C’est entre le 5e et
le 10e kilomètre que je réalise que la crevaison du pneu arrière
fait en sorte que la poussette se dirige toute seule vers la gauche… comme la
route tourne vers la droite, je dois sans cesse replacer la poussette dans la
bonne direction. C’est l’enfer… est-ce que je vais continuer comme ça tout le
long? Je me dis que ce sera moins pire quand le chemin tournera vers la gauche,
et en effet, par moments, j’oublie cet inconvénient.
« Maman… moi je voudrais inviter quelqu’un… »
« Hein? Inviter quelqu’un? »
« Oui, moi je voudrais aller chez les parents (il veut dire
amis, mais il dit parents) de papa qui ont des sabres lasers. Et je veux aussi
inviter Thomas… »
« Mais les amis de papa sont à Ottawa, mon amour, on va
retourner les voir quand on va aller à Ottawa. »
« Mais moi je veux aussi inviter Thomas… »
« Mais Thomas est à Montréal, mon amour, on est très loin de
chez lui… »
« Mais moi je voulais lui montrer le sous-marin. »
…
« Moi je veux aller dans le sous-marin… » (on a visité le
sous-marin de Pointe-au-Père, la veille)
« Non, aujourd’hui on peut pas aller dans le sous-marin, on
fait une course, mon coco… »
« Mais moi je veux… »
Je lui explique encore une fois qu’on est en
train de faire une très longue course, qu’on en avait parlé déjà, que ce serait
long…
« Mais moi je veux pas… »
« Tu veux pas faire la course? »
« Non… »
Mais moi je veux aller dans le sous-marin... |
T'as pas le droit de courir – Marathon de Rimouski, partie I
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