dimanche 26 juillet 2015

Retour sur le mont Albert (les larmes d'une fille tough) – Partie I

Je suis revenue il y a un mois de mon aventure en solitaire au mont Albert. Dès mon arrivée, j'ai voulu écrire le récit de mes courses le plus vite possible. J'avais hâte de les raconter... mais bizarrement, le récit de mes courses ne correspond pas à mes paroles, car l'une des premières choses que j'ai dites à mon retour, c'est : « Les courses, c'était un détail, finalement ».

Je suis partie seule en Gaspésie pendant cinq jours, en laissant derrière moi mon mari et mon fils de trois ans et demi. J'avais hâte de vivre ce périple, je l'avais imaginé comme un ressourcement. Paisible, méditatif... seule avec moi-même sur le bord du feu, en camping, en regardant les étoiles la veille de ma course, dans mon hamac l'après-midi après ma première course... Dans mon imagination, il n'était pas question de pleurer tous les jours, plusieurs fois par jour!

La première journée, la seule où je n'ai pas pleuré, j'ai fait Montréal-Rimouski en voiture. La joie de rouler seule, avec MA musique, que j'aime écouter très fort, et d'arrêter quand JE veux, où je veux. Bon, ça roulait tellement bien que j'ai vécu un stress de lumière d'essence qui clignote, mais j'ai eu ma leçon. J'ai été accueillie chez Hélène, une amie de ma tante, chez qui on se sent comme chez ses parents tellement elle prend soin de nous. Je suis allée me faire masser le soir. Je n'ai jamais autant aimé me faire masser les bras... la veille d'une course! Jusque là, le voyage était comme dans mon rêve.

Le coucher de soleil en sortant du spa... faisait froid!
Le lendemain matin, après un bon déjeuner protéiné qu'Hélène l'infirmière s'est assurée de me faire avaler, je suis partie pour la Haute-Gaspésie. Deux ou trois heures de route. Sainte-Flavie. Là où on commence à rouler sur la 132, la Route de la Mer. Matane. Les premières éoliennes. Ça  m'impressionne chaque fois de les voir tourner lentement... mais c'est encore plus impressionnant quand on arrive à Cap-Chat, là où le parc éolien est assez imposant... et ça m'arrache mes premières larmes. J'ai habité Cap-Chat, alors c'est certain que je suis plus émue quand je m'en approche qu'un touriste qui se rend pour la première fois en Gaspésie... surtout que mon prochain stop est au cimetière. Je veux aller voir mon cousin Naïm, avec qui j'ai tellement joué, et ma mamie. Le cimetière de Cap-Chat est le plus beau que j'aie jamais vu. Il est situé juste en bas d'une petite falaise, et juste à côté du havre de pêche. Ce que je trouve difficile, quand j'y vais, c'est que c'est un très petit cimetière... rempli de Lepage, de Roy, de Landry... mon arbre généalogique au complet s'y trouve...



Je vais sécher mes larmes sur le bord de la plage...

Cap-Chat
 ...avant d'aller faire mon épicerie à Sainte-Anne-des-Monts, car je vais camper deux nuits. Je sors de l'épicerie, il est midi passé, j'ai une course à 14 h, et je commence à stresser. Hélène m'a dit de calculer une bonne heure pour me rendre au mont Albert. Faut pas niaiser. Je m'engage sur la route 299. Il y a cette chanson qui joue dans l'auto. Les paroles n'ont pas rapport, mais chaque fois que je réentends la chanson, je me vois au volant sur la route sinueuse qui monte et qui descend dans les montagnes, les oreilles qui bouchent... il faut lire la suite avec la chanson pour embarquer un peu dans mon expérience!

















Je roule donc sur la route 299, dans les montagnes. Des montagnes de taille moyenne, comme on a l'habitude d'en voir. Puis tout à coup, au loin... je vois LES montagnes. Le temps est nuageux, ce qui fait que les montagnes sont noires, gigantesques, imposantes... menaçantes. Je crie dans l'auto. OH MY GOOOOOOD!!!!! C'est ça que je m'en vais monter!?! MAIS C'EST TELLEMENT BEAAAAAAUUU!!!! Je crie, je pleure (encore). Et je crie de plus belle quand se dresse devant moi un MUR de montagnes. La nature est grandiose, je m'exclame, je braille, je suis dépassée par tant de beauté. Que voulez-vous, je suis une contemplative.

J'arrive sur le site environ 45 minutes avant ma course. Je vais d'abord chercher mon dossard, je fais des blagues sur la signification numérologique de mon numéro de dossard avec un bénévole. Le 8 signifie l'infini, le 3, le mouvement, 8 + 3 = 11, 1 + 1 = 2 = l'inconnu! puis je me change dans le stationnement. C'est long, car je dois transporter du matériel obligatoire dans ma veste d'hydratation, et je ne veux rien oublier. Je remplis ma veste, puis je m'enduis de crème solaire, ah oui, le chasse-moustiques, la casquette, merde, mon dossard, c'est important, faut pas que je perde mes épingles, j'ai juste un set pour les deux courses. Je constate que mes souliers sont vraiment usés... ils m'ont servi durant deux hivers et trois Spartan Race... mais là, je réalise que c'est leur dernière course... Je ne suis jamais tombée avec ces souliers... mais là, je sais que je dois faire attention.

Le pipi est fait. I'm ready to rock da mountain.
Je veux me réchauffer un peu avant le départ pour le kilomètre vertical, alors je cours un peu pour aller aux toillettes... mais ça n'a pas de bon sens! Je suis essoufflée à rien! Je crois que l'altitude joue déjà sur mes poumons, ça ne sera pas facile.

Comme je suis seule, je suis ouverte aux rencontres, et j'ai le temps de jaser avec un monsieur de 70 ans qui s'apprête à faire la même course que moi. Je l'ai abordé parce qu'il porte le chandail du marathon de Rimouski. On jase un peu, puis c'est la réunion de pré-course. On nous informe que c'est glissant, qu'il a beaucoup plu dans les derniers jours, et que les derniers 100 mètres sont dans la neige. Les départs se feront par groupes de 3, selon le numéro de dossard, à toutes les minutes. Comme j'ai le dossard 83, je trouve les personnes avec qui je prendrai le départ... on a pas mal le temps de jaser, à côté du petit pont qu'on devra traverser au moment du départ.

À 14 h 27, je prends le départ du kilomètre vertical!

Départ du kilomètre vertical. Crédit photo : La Clinique du coureur

Au sommet, 1 h 20 plus tard
Quatre heures plus tard, après avoir gravi et descendu une première fois le mont Albert, je dois assister à une réunion d'information obligatoire pour ma course du lendemain. Il est 18 h. Ma tente n'est pas montée. Je ne suis même pas enregistrée! J'essaie de ne pas trop stresser, le soleil se couche tard, à la fin juin.

J'arrive sur le site, je suis pleine de boue, encore rouge parce que j'ai couru pour être à l'heure à la réunion et, probablement parce que je suis seule et ouverte à rencontrer des gens, deux femmes m'abordent pour me demander c'était comment. Je m’assois avec elles pour la réunion. Elles me disent que je suis devenue blanche pendant la portion sur « Quoi faire si on rencontre des animaux, et quoi faire en cas d'orages ». C'est effrayant! Même si on n'annonce pas d'orages, la fille terrorisée des orages que je suis s'imagine, prisonnière des éclairs, sur le plateau. Car le sommet du mont Albert est un plateau. Aucun arbre, aucune protection. En cas d'orage, si on est en groupe, il faut se disperser à au moins 50 mètres les uns des autres, comme ça si une personnes est frappée par la foudre, les autres ne le sont pas. C'est gai.

La mairesse de Sainte-Anne-des-Monts prend la parole. C'est une femme intense, comme elle le dit elle-même, « abrupte dans ses propos, mais au cœur chaleureux »... à l'image des gens de la région. Elle nous parle de l'histoire de la région, et elle nous dit de garder en tête, lorsque nous foulerons les sentiers, qu'il s'agit d'un territoire de gens résilients. Dans les années 1960 (ça ne fait pas longtemps), les maisons de villages entiers ont été brûlées, et les gens de ces villages se sont reconstruit une vie. Son récit est touchant, et comme ma famille est de la région, elle m'arrache des larmes (et me donne en même temps souvent envie de sourire, tellement elle est intense).

La réunion s'éternise, j'ai passé 4 heures dans la montagne et je n'ai mangé qu'une barre tendre depuis. Je veux monter mon campement et manger au plus vite. Mon rêve de sieste dans le hamac est à l'eau, car il ne me reste qu'une heure de clarté pour monter ma tente.

Une fois la tente montée, il faut faire un feu, puis il faut faire bouillir de l'eau pour me faire des pâtes... la nuit tombe, j'allume ma petite lanterne, je mets ma frontale. Mon feu ne pogne pas, mais je réussis tout de même à faire mes pâtes. Il fait noir, je mange mes pâtes à même la casserole, quand j'entends « crounch, crounch », dans le sous-bois. « Crounch, chrounch », encore, suivi d'un « Humrrrrrgh ». Je suis terrifiée. Il y a un animal qui grogne dans le sous-bois, tout près de moi. Je regarde avec ma lampe de poche : Un loup! Il vient vers moi! Au secours! Je sors de mon site de camping et je vais dans le site voisin, où il y a au moins 6 personnes et des enfants, je suis terrorisée, ils me regardent croche, mais voyons c'est qui la folle qui arrive en criant au secours. Je m'assois à leur table à pique-nique pendant que quelques-uns d'entre eux vont voir dans le sous-bois. C'était un orignal avec son petit! Ils sont partis en voyant les humains. Mes voisins de campement m'offrent de m'asseoir un peu avec eux, mais je refuse... je les remercie d'être allés vérifier, puis je retourne sur mon site.

Mon feu est définitivement mort, je ne le rallumerai pas. En plus, si je m'assois devant mon feu, je fais face au sous-bois peuplé de faune potentielle et je n'ai pas trop envie. Je termine mon macaroni, et pas question que je marche jusqu'au bloc sanitaire pour me brosser les dents! J'y vais en char! Et je laisse ma casserole sale dans l'auto. Je la laverai demain, à la clarté. Pas question que je fasse de la vaisselle dans le noir. J'ai pas assez mangé, mais tant pis. Mon rêve de snack sur le bord du feu et de contemplation des étoiles est fichu, mais tellement, là! Tout ce que je veux, c'est me réfugier dans ma tente, me mettre en pyjama et dormir. Les bêtes pourront venir rôder, tant que je ne les vois pas, j'ai pas de problème. La nuit est froide, il fait environ 9 degrés. Je me réveille avec mes règles, c'est super génial 1) en camping, 2) à l'aube de la plus grosse course de ma vie. YEAH! T'aimes ça les affaires tough? Ben c'est là que ça se passe, ma belle. ENJOY.

Retour sur le mont Albert (les larmes d'une fille tough) – Partie II
Kilomètre vertical du mont Albert – 26 juin 2015
Skyrace du mont Albert – 27 juin 2015 (partie I)
Skyrace du mont-Albert – 27 juin 2015 (partie II)

3 commentaires:

  1. Bonjour,

    Vous parlez d'un Naim avec qui vous avez bcp joué. je recherche mon correspondant québécois, quand j'avais 14 ans... est ce le même Naim ? si vous pouviez lui demander?
    Je l'appelle Nicolas, suis français, et nous avions un échange entre nos écoles quand nous avions 14 ans... il y 20 ans !! ;)

    en espérant avoir de vos nouvelles, ou des siennes, il peut 'écrire sur n.guilbert@yahoo.fr

    Merci d'avance

    nicolas

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    Réponses
    1. Bonjour, Il s'agit de Naïm Landry. Habitait-il en Gaspésie?

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  2. Allô Sophie tu réalisera que ta course a permis de déplacer une montagne preuve que la Foi existe.
    Merci, à bientôt.
    Nous sommes maintenant en contact avec l'ami de Naïm grâce à Toi ma belle !
    À bientôt je te raconterai la fameux parcours de cette retrouvaille.
    Je t'embrasse !

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