samedi 9 mai 2015

La dernière longue

 Lire, écrire, courir... c'est pareil.
Geneviève Lefebvre

PROLOGUE

Une longue course, c'est comme aller au théâtre.

Aller au théâtre, c'est aller à un rendez-vous. On se prépare chez soi pour sortir pendant que les acteurs se maquillent, se réchauffent. On ne sait pas ce qui nous attend. Quand on sort du théâtre, on est parfois déçu, parfois transporté...

Une longue course c'est pareil.

Surtout la dernière longue avant un événement officiel. C'est comme la générale. La dernière longue est toujours spéciale et c'est comme ça que j'ai abordé celle d'aujourd'hui : un rendez-vous avec... ?

ACTE I

Première surprise : je suis obligée d'arrêter ma musique en entrant dans le cimetière parce que les oiseaux chantent trop fort. Le silence des morts, les oiseaux, ma respiration. 

Je suis là parce que j'ai décidé de faire un détour pour voir mon Gingko biloba, pour aller prendre un peu de son énergie et pour voir quelles fleurs poussent à ses pieds aujourd'hui. 


Dévier de l'itinéraire dans l'espoir inavoué de me perdre un peu. Pas trop. De toute façon, sur le Mont-Royal, c'est impossible de se perdre. Il y a toujours quelque chose pour te rappeler que tu n'es pas bien loin des voitures.

Rejoindre l'itinéraire initial, se retrouver à une croisée des chemins encore jamais vue à ce jour, choisir le chemin le plus sûr pour cette fois.


Puis comme une bénédiction, cette chanson pour descendre le chemin de la Tour de l'Université de Montréal.


Sur un high (évidemment), apercevoir au loin l'Oratoire et avoir envie d'aller monter les escaliers, mais se raviser sagement. Ça sera pour une autre fois. Combien de fois me suis-je tiré dans le pied en déviant trop de l'itinéraire prévu? Du calme, du calme. Va ton chemin.

ACTE II

Nouvelle entrée dans le cimetière. 

Je passe à côté d'un arbre dont une immense branche est cassée, par terre. Pas coupée. Cassée.

Je vois passer le gros corbeau de la Mort avec quelque chose dans le bec. Le vrai charognard, là.

Cette branche n'a pu casser que parce que quelqu'un s'y est pendu.


Beaucoup de gens sont là pour planter des fleurs sur la tombe de leurs mères. Mais qu'est-ce que je fais ici, moi, en train de célébrer la vie à plein poumons? 


Je cherche la sortie, mais tous les chemins semblent vouloir m'éloigner de mon but.

ACTE III

Chemin Olmsted. Ouf... ahhhhh... je respire. Je lis « chemin Olmsted » comme je lirais « Montréal » sur une pancarte verte au retour d'un long voyage.

Je suis en terrain connu, me sens chez moi. Soulagée.

Je croise deux voitures de police, gyrophares allumés. Ils ont dû trouver « le mort ». 

Bon. Les pompiers. Décidément, c'est grave, ce qui se passe là-haut.

J'arrive en bas. Tout d'un coup : la faim.

Avec toute cette histoire que j'ai écrite dans ma tête en courant, j'ai oublié de prendre le gel que j'avais apporté. Je serai à la maison dans 15 minutes, inutile de le prendre maintenant... mais la fatigue me prend... j'hésite.

Non. Je ne le prends pas. Rien que pour voir. Rien que pour voir si je vais mourir.


ÉPILOGUE

Je pense à Diana Nyad qui, partie de Cuba à la nage, a enfin aperçu les lumières de Key West au loin. Plus que 15 heures de nage. « Si vous saviez combien de fois j'ai fait 15 heures de nage en entraînement », qu'elle dit.

Pas morte. Pas morte pantoute. Bien vivante au contraire. J'arrive à destination envahie d'une nouvelle énergie.

Je voudrais continuer.

Mais je dois m'arrêter.

Il faut que j'aille écrire.

Lire, écrire, courir... un jour ça devient un acte en trois dimensions.







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